Thomas Sankara
Africa’s greatest revolutionary
Qui était Thomas Sankara ?
Thomas Sankara, né le 21 décembre 1949 à Yako, en Haute-Volta (aujourd'hui Burkina Faso), est un dirigeant africain et une figure emblématique de l'histoire du continent. La vie de Sankara a été marquée par son engagement inébranlable en faveur de la justice sociale et de l'émancipation des opprimés.
Après avoir rejoint l'armée, Sankara a gravi les échelons et est devenu une figure clé du coup d'État militaire qui a renversé le gouvernement en Haute-Volta en 1983. À la suite du coup d'État, Sankara a pris le pouvoir et a rebaptisé le pays Burkina Faso, ce qui signifie "Pays des hommes intègres". En tant que président du Burkina Faso, il entreprend un ambitieux programme de réformes sociales et économiques.
Malheureusement, le 15 octobre 1987, Sankara est assassiné lors d'un coup d'État mené par Blaise Compaoré, qui était son plus proche camarade et son meilleur ami. En 2022, la justice burkinabé condamne Blaise Compaoré à la prison à vie. Cependant, il s'agitd'un procès national et le rôle joué par la France, la Côte d'Ivoire, la Libye et le Libéria n'a pas été jugé, même si de nombreux témoins ont mentionné leur implication dans l'assassinat du président.
… un Anti-imperialiste & panafricaniste
Thomas Sankara est un grand universaliste, il ne critique pas les peuples occidentaux mais leur système capitaliste et politique impérialiste. Tout comme le révolutionnaire cubain Che Guevara, Sankara est un communiste, il souhaite faire rupture avec le colonialisme et clame « La Patrie ou la mort, nous vaincrons ! » en référence au slogan « La patrie ou la mort ! » de son homologue. Il dénonce l’interventions des Etats-Unis en Amérique du Sud, au Nicaragua, la condition sociales des noirs américains dans les ghettos et plus encore… Il affirme sa position à l’encontre d’Israël, de l’Afrique du Sud et il apporte son soutient à tous les pays du « Tiers monde ».
Bras de fer avec la France
“La politique africaine de la France, je la trouve très française.”
Jusqu’au début des année 80, les différents régimes politiques de la Haute-Volta (aujourd’hui Burkina Faso) ne remettent pas en question la politique néocolonialiste de la France. Dès 1983, lors de son arrivée au pouvoir, il commence un bras de fer géopolitique avec la France de Mitterand.
En effet, en octobre 1983, il se rend à Vittel, en France pour le 10e sommet de la France-Afrique. A son arrivée, il est reçu par Guy Penne, conseiller pour les affaires africaines de Mitterand (1981-1986), avec pour mission de maintenir de bons rapports avec les dirigeants africains. Thomas Sankara considère cela comme une provocation car, selon lui, un chef d’Etat doit être reçu par un chef d’Etat. Il dénonce alors la manière dont sont perçus les présidents africains par François Mitterand et décide de boycotter le diner auxquels sont conviés tous les invités du sommet.
Le 4 octobre 1984, lors de la 39e session de l’Assemblée générale des Nations unies, il déclare :
“« […] Nul ne s’étonnera de nous voir associer l’ex-Haute-Volta - aujourd’hui le Burkina Faso - à ce fourre-tout méprisé, le Tiers-Monde, que les autres mondes ont inventé au moment des indépendances formelles pour mieux assurer notre aliénation intellectuelle, culturelle, économique et politique. Nous voulons nous y insérer sans pour autant justifier cette gigantesque escroquerie de l’Histoire. Encore moins pour accepter d’être l’arrière-monde d’un Occident repu ».”
Ici nous comprenons bien qu’il s’agit de pointer du doigt publiquement et devant le monde entier les actions paternalistes que mène la France pour garder l’Afrique sous tutelle et donc continuer de l’exploiter. En disant cela, Sankara dénonce également la complicité de l’ONU qui est majoritairement controlée par l’Occident puisque le Conseil de Sécurité est dirigé par la France, l’Angleterre, les Etats-Unis, la Russie et la Chine. Il s’exprime donc pour le Burkina Faso mais aussi pour toute l’Afrique. C’est le début de sa lutte panafricaniste. Un mois plus tard, il boycotte à nouveau le sommet de la France Afrique à Bujumbura au Burundi.
En 1986, c’est au Burkina Faso d’accueillir François Mitterand. Il est reçu dans de grandes festivités, puis au moment de prendre la parole, Sankara lui reproche d’être proche de Pieter Botha, président et défenseur de la ségrégation raciale du régime d’Apartheid en Afrique du Sud. Il désigne Mitterand comme « président du pré-carré » qui se retrouve assez désemparé et répond en lui donnant une leçon de géopolitique avec un ton paternaliste.
“Très peu de pays ont été comme le mien inondé d’aides de toutes sortes (…) cette aide extérieure n’aurait d’autres buts que de continuer à développer les secteurs improductifs, imposant des charges intolérables à nos petits budgets, désorganisant nos campagnes, creusant les déficits de notre balance commerciale, accélérant notre endettement. (…) Certes nous encourageons l’aide qui nous aide à nous passer de l’aide. Mais en général, la politique d’assistance et d’aide n’a abouti qu’à nous désorganiser, à nous asservir, à nous déresponsabiliser dans notre espace économique, politique et culturel.”
La politique de la main tendue
Lors de son discours à l’ONU en 1984 il déclare :
Il évoque ici la politique de la main tendue qui est une stratégie d’alliance géopolitique. Il dénonce l’hypocrisie des pays occidentaux qui offrent une aide qui n’en est pas une à l’Afrique. En réalité, cette aide ne fait que renforcer l’influence des puissances « coloniales » sur le continent et dans tous les pays émergents et qui les transforment en véritables pré-carrés.
Il donne donc plusieurs solutions à ce problème.
Il réclame « un droit de regard et de décision sur les mécanismes qui régissent le commerce, l’économie et la monnaie à l’échelle planétaire. » Il clame que tous les pays ont le droit à l’indépendance et qu’il faut qu’ils fassent partie du Nouvel Ordre Economique et qu’il faut lutter contre un impérialisme économique qui s’inscrit dans le processus de mondialisation. En 1984, il refuse même 500 tonnes de riz offertes par Moscou pour montrer que le but est d’être auto-suffisant et indépendant afin d’être considéré comme égal aux grandes puissances occidentales.
Le 29 juillet 1987, lors du sommet de l’OUA (Organisation de l’Union Africaine) à Addis Abéba, il incite tous les payer d’Afrique à ne pas payer la dette aux pays occidentaux car selon lui « les origines de la dette remontent aux origines du colonialisme. Ceux qui nous ont prêtés de l’argent, ce sont eux qui nous ont colonisés. Ce sont les mêmes qui géraient nos économies. Ce sont les colonisateurs qui endettaient l’Afrique auprès des bailleurs de fond, leurs frères et cousins. Nous sommes étrangers à la dette. Nous ne pouvons donc pas la payer. »
Enfin, il souhaite réformer le Conseil de Sécurité de l’ONU qui a nommé ses membres permanents à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, selon les pays vainqueurs (la Russie, les Etats-Unis, la France, l’Angleterre et la Chine). En effet, « l’absence de l’Afrique du Club de ceux qui détiennent le droit de veto est une injustice qui doit cesser. » Il justifie cela en affirmant que « nous aussi nous avons chacun un oncle ou un père qui, à l’instar de milliers d’autres innocents arrachés au Tiers Monde pour défendre les droits bafoués par les hordes hitlériennes, porte lui aussi dans sa chair les meurtrissures des balles nazies. »
…un féministe
Thomas Sankara est le troisième enfant d’une fratrie de dix dont neuf filles. Il comprend donc dès son plus jeune âge que le respect de la femme et son émancipation est primordial pour la société.
“La révolution et la libération des femmes vont de paires.”
Dès qu’il arrive au pouvoir en 1983 il place les femmes au coeur de son programme de développement. En effet, son premier gouvernement est composé de 22 ministres dont 3 femmes, comprenant une, ministre du budget. Lors de son deuxième mandat, on compte cinq femmes sur vingt-cinq ministres, donc 20%, ce qui est à peu près égal à la moyenne mondiale actuelle.
“Le poids des traditions séculaires de notre société voue la femme au rang de bête de somme. Tous les fléaux de la société coloniale, la femme les subit doublement : premièrement elle subit les même souffrances que l’homme; deuxièmement elle subit de la part de l’homme d’autres souffrances.”
Il met fin à la dot à savoir, l’ensemble des biens meubles ou immeubles donnés par un tiers à l'un ou l'autre des époux dans le contrat de mariage ou biens qu'une femme apporte en se mariant (Larousse). Cette pratique est donc interdite au Burkina Faso selon l’article 244 du code des personnes et de la famille. Cependant elle reste très pratiquée dans l’ensemble de l’Afrique encore aujourd’hui.
De plus, il réprimande les mariages forcés et la prostitution qui sont, selon lui, une marchandisation du corps de la femme et il lutte activement contre l’excision. En effet, l’excision qui est une mutilation des parties génitales des femmes est un problème majeur en Afrique car il a de fortes conséquences sur la place de la femme dans la société car dans cas les plus graves, elle est privée de tout plaisir sexuel et donc devient un objet sexuel et son sexe a simplement une fonction reproductrice. Ceci peut résulter de fortes séquelles psychiques et freine considérablement son émancipation.
Il proscrit également le lévirat. Le terme est un dérivé du mot latin levir, qui signifie « frère du mari ». Le principe est que si un homme marié décède, son frère doit épouser sa veuve. On retrouve cette coutume dans de nombreuses cultures, elle est même mentionnée dans l’Ancien Testament. Ceci va de paire avec la pratique de la polygamie, à laquelle il impose une règlementation. Malheureusement, le lévirat n’est plus interdit par la loi au Burkina Faso.
Par ailleurs, il incite la population à investir dans les activités économiques gérées par les femmes avec le slogan « Consommons burkinabé et produisons ce que nous consommons » car quasiment la totalité des femmes travaillent dans le secteur primaire, . En parallèle, il lance des campagnes d’alphabétisation dans tous le pays.
… Un écologiste
Thomas Sankara revendique une souveraineté alimentaire, à savoir, le droit des peuples à une alimentation saine et culturellement appropriée, produite avec des méthodes durables. Pour cela, il s’adresse à Pierre Rabhi.
Pierre Rabhi, né le 29 mai 1938 à Kenadsa en Algérie, est un agriculteur, écrivain et penseur français. Il est célèbre pour son engagement en faveur de l'agroécologie et de la préservation de l'environnement. Installé dans les Cévennes en France, il a développé des méthodes d'agriculture respectueuses de la nature. Il est le fondateur du mouvement Colibris, encourageant les modes de vie durables et solidaires.
L'agroécologie est un domaine de l'agriculture qui vise à concilier les pratiques agricoles avec la préservation de l'environnement et la durabilité. Elle repose sur des principes écologiques en favorisant des approches respectueuses de la biodiversité, des sols, de l'eau et de l’énergie. Elle favorise également une approche holistique de l'agriculture, en reconnaissant les interactions complexes entre les plantes, les animaux, les sols, les micro-organismes et les humains. Elle met l'accent sur la création de systèmes agricoles résilients, adaptés aux spécificités locales et capables de répondre aux besoins alimentaires tout en préservant les ressources naturelles.
Il souhaite sortir du système capitaliste de production des entreprises multinationales et interdire l’importation de fruit et de légume. Ceci dans le but de s’approvisionner localement et donc développer le secteur agroalimentaire burkinabé. Par ailleurs, le CNR (Comité de Défense de la Révolution) incite les habitants à cultiver leur propre potager. Nous comprenons donc que la volonté d’auto-suffisance se trouve à toutes les échelles.
Les années 70 sont marquées par un éveil de conscience écologiste en Occident. C’est le début de ce qu’on appelle l’écologie politique aussi bien en France qu’aux Etats-Unis. Dans les années 80, Sankara est en réalité, le premier président africain à prendre conscience du danger lié au réchauffement climatique et à prendre des mesures environnementales. Il se concentre sur trois luttes :
Les feux de brousse qui sont des « crimes et seront punis comme tels »
La divagation du bétail car « les animaux non surveillés détruisent la nature »
La coupe anarchique du bois de chauffe qu’il faut organiser et règlementer »
Le reboisement devient une priorité absolue, en avril 1985 l’Inspection générale des eaux et des forêts oblige tous les citoyens de planter des arbres et notamment pour chaque grandes occasions. On compte alors plus de 15 millions d’arbres supplémentaires en 15 mois.
Il est le précurseur du projet de la Grande Muraille Verte qui vise à lutter contre la désertification et à améliorer les conditions de vie dans les régions arides du continent africain. Il s'agit d'une initiative transcontinentale qui s'étend sur plus de 7 000 kilomètres, traversant 11 pays de l'est à l'ouest de l’Afrique. L'objectif principal de la Grande Muraille Verte est de créer une ceinture verte de végétation et de zones forestières pour lutter contre l'avancée du désert du Sahara.
Le projet vise également à améliorer la sécurité alimentaire, à renforcer la résilience des communautés locales face aux changements climatiques, à favoriser la création d'emplois verts et à promouvoir la conservation de la biodiversité.
En effet, selon lui pour lutter contre l’instabilité, il faut lutter contre l’avancement du désert et par conséquence, il faut développer l’agriculture. Cela permettrait de contrer le désoeuvrement des jeunes, la pauvreté de la population et donc les mouvement djihadistes qui se propagent dans le désert. Là où on produisait 1,1 million de tonnes de céréales en 1983, on en produit 1,6 millions en 1987. En quatre ans, le Burkina devient autosuffisant.